La mode du refus de résiliation déloyal au pays des assureurs

La mise en place de la Résiliation Infra-Annuelle (RIA) puis son extension aux contrats de complémentaire santé a significativement accru la concurrence en assurance individuelle. Cela en était le but et on peut dire, qu’en ce sens, l’objectif a été atteint.

Cela a par conséquent mis sous pression les assureurs qui voient la durée de vie de leurs portefeuilles se réduire.

Paradoxalement, cela a limité l’appétence pour ces marchés puisque la profitabilité a diminué. Ainsi, cela a eu tendance à augmenter les tarifs à la souscription au profit d’indexations (relatives) plus faibles sur les portefeuilles. Les stratégies de fidélisation sont favorisées par les porteurs de risques par rapport à la conquête.

Parmi ces stratégies de fidélisation, certaines étaient recherchées par le législateur :

  • Efforts tarifaires sur le renouvellement ;
  • Amélioration de la qualité de gestion, disponibilité, information, diminution des délais de traitement, services en ligne, services annexes à l’assurance, etc. ;
  • Bonus à la fidélité (bonus aux garanties en fonction de la durée du contrat).

En revanche, cela a accru la tentation de « s’accrocher » aux assurés via une guérilla du formalisme juridique pour refuser les résiliations.

Ci-dessous une liste non-exhaustive du florilège des « astuces » et arguties juridiques avancées pour refuser des résiliations pour lesquels la volonté de résilier du client ne fait pas de doute :

  • Motif erroné : L’assureur refuse la résiliation car le motif évoqué n’est pas le bon alors qu’un autre motif légal existe. Quelques exemples de refus pour motif erroné :
    • La classique : La résiliation est demandée à l’échéance pour motif « Résiliation infra-annuelle » (RIA). L’assureur ou son gestionnaire attendent un motif « Résiliation à l’échéance » car ils estiment que la RIA ne peut être demandée qu’à partir du lendemain de l’échéance.
    • Plus vicieuse : Une RIA est demandée pour le lendemain de l’échéance : Refus car la demande ayant eu lieu un mois avant, elle est faite avant l’échéance d’un an alors même que la date de résiliation demandée se situe après l’échéance.
  • L’absence de date de résiliation demandée par l’assuré (alors que l’assureur est tenu par la RIA, si elle s’applique, de résilier 30 jours après la demande).
  • La pire : Refus de résiliation car demandée « trop tôt ». Par exemple un client qui demande une RIA le 24 mars pour le 30 avril. L’assureur prétend que la seule date de résiliation possible demandée le 24 mars est le 23 avril (à 1 ou 2 jours près) et refuse tout de go la résiliation.

Cela se complète par d’autres pratiques inélégantes comme de ne pas envoyer de lettre de refus pour empêcher le client de redemander sa résiliation alors que cela le met en situation de double assurance pendant plusieurs mois.

Cette dérive n’était évidemment pas l’effet recherché par le législateur qui, au contraire, souhaitait simplifier la mise en œuvre de la concurrence et fluidifier les démarches (voir par exemple la résiliation « 3 clicks » qui est venu renforcer cette volonté). Il avait respecté le principe de mutualisation dans le temps de l’assurance en conservant une durée minimum d’un an aux contrats.

Devant l’absence de « holà » des autorités sur ces pratiques douteuses, de grands assureurs (compagnies, mutuelles et institutions de prévoyance) se sont engouffrés dans la brèche dans une tentative maladroite et illusoire de diminuer leur taux de résiliation. Cela a provoqué un accroissement significatif de cette tendance néfaste et l’a rendue bien sûr beaucoup plus visible.

Ceci ne sera sans doute pas ignoré beaucoup plus longtemps par les autorités de régulation (notamment la DGCCRF et l’ACPR) et elles ne pourront que sévir durement contre ce genre de pratique. Les grands assureurs ont bien sûr le plus à perdre dans l’affaire puisque les amendes qu’ils subissent sont en général bien plus lourdes. Tenter de justifier ces pratiques devant un tribunal serait illusoire et il n’y aura pas d’échappatoire possible.

On le voit bien, cette mode d’essayer d’empêcher le client de partir par des moyens déloyaux est d’abord néfaste pour les acteurs qui la pratique :

  • Grave dégradation de leur image auprès de leurs clients et du public ;
  • Risque de sanctions sévères ;
  • Impact réel nul ou même inverse sur le taux de résiliation ;
  • Augmentation des réclamations (donc renchérissement de la gestion).

Mais cela a également un impact désastreux sur l’image de la profession. Le législateur a conservé une durée minimum de 1 an pour les contrats pour assurer une mutualisation dans le temps et préserver l’équilibre technique des contrats. Dégrader l’image des assureurs ne peut qu’inciter une réponse populiste et une évolution législative qui rognerait sur ce délai d’un an qui est, lui, pour le coup, indispensable.