Depuis sa publication le 24 mai 2023, le projet Retail investment strategy a fait couler beaucoup d’encre et provoqué de nombreuses réactions, notamment par France Assureur le 5 juin. La députée européenne, Stéphanie Yon-Courtina, a également publié un rapport sur le sujet le 5 octobre dernier.

L’objectif principal, que tous les acteurs estiment louable, est de favoriser l’investissement des épargnants européens (particuliers et petites entreprises) dans l’économie européenne et notamment les secteurs favorisés par les politiques publiques.

La Commission Européenne en profite pour mettre les pieds dans le plat et souhaite réformer la rémunération des intermédiaires de façon à la rendre plus favorable pour les épargnants (et on peut l’imaginer, pour les assurés de manière générale, dans le futur), de son point de vue.

Ce sont tout particulièrement les commissions qui sont visées par la Commission car elle estime que celles-ci peuvent biaiser le conseil donné par les intermédiaires et particulièrement les courtiers. Plusieurs pays ont déjà interdit d’eux-mêmes ces commissions.

Au-delà des produits d’épargne, la profession s’est émue sur le sujet et les intermédiaires craignent que leurs modes de rémunération soient modifiés dans le futur, bouleversant leurs modèles économiques.

Alors analysons ce que ces modifications pourraient impliquer pour l’assurance hors épargne.

Premièrement un assuré peut accepter de payer des frais de dossier ou d’entrée mais dans son esprit, cela rémunère des frais de mise en place administratifs alors que le conseil a coûté en général beaucoup plus. De plus, le conseil s’inscrit dans le temps. En effet ces produits nécessitent une adaptation régulière en fonction de l’évolution de la situation de l’assuré et l’intermédiaire se doit de rester en contact ou, a minima, disponible et au fait du dossier pour ce premier tout au long de la vie du contrat d’assurance.

Cela nécessite donc une rémunération récurrente qui sera prélevée sur le paiement du client. Aujourd’hui, ce paiement couvre souvent une prime qui comprend tout (la prime technique, les chargements, les garanties annexes comme l’assistance etc.). Demain, ce paiement devra distinguer plus clairement ce qui revient à chacun. La clef sera qu’un des acteurs (l’assureur, un délégataire, l’intermédiaire lui-même) puisse prélever en une fois et répartir ensuite les parts aux autres. Tout l’enjeu de la future éventuelle règlementation est de savoir dans quelle mesure elle autorisera les assureurs à prélever les honoraires des intermédiaires externes (agents et courtiers), quitte à ce que la transparence contractuelle soit parfaite. Si ce n’est pas le cas, cela rendra la distribution directe par les assureurs en courtage difficile et ils seront alors amenés à déléguer la gestion de cette activité à des gestionnaires, grossistes, qui seront les intégrateurs de l’offre afin de ne pas à avoir à prélever les honoraires des apporteurs.

Le deuxième point est la difficulté du financement de l’acte commercial. En effet, le client s’attend à payer une cotisation relativement constante et plutôt moins cher que ce qu’il avait précédemment, c’est justement l’intérêt de la concurrence. Or, à l’inverse, l’acte commercial initial coûte plus cher que le conseil de veille. Les cabinets de courtage ont donc un besoin en fonds de roulement beaucoup plus important que les autres commerçants. Dans certaines branches, le fameux « précompte escompté » permettait de couvrir ce besoin relativement facilement en le faisant financer par les assureurs. Ce mode de rémunération a toujours été dans l’œil du viseur et il se peut qu’un jour où l’autre il disparaisse. Il se peut même qu’il disparaisse naturellement du fait d’autres évolutions règlementaires dont ce n’était pas le but (la résiliation infra-annuelle, par exemple).

Cependant, il y a d’autres manières de financer les besoins en fonds de roulement et la disparition de ce mode de rémunération ne serait en rien la fin du monde pour ce type de distribution courtée.

Il y a enfin une problématique fiscale à ces évolutions règlementaires. Jusqu’ici les intermédiaires étant principalement payés en commission, ils étaient considérés comme faisant partie intégrante de la fonction de l’assureur lui-même et ces commissions étaient soumises à la taxe aux assurances. Si demain les intermédiaires ne devaient plus être payés sur la prime des assureurs mais via des honoraires, ils seraient alors soumis à la TVA à la place. De ce fait, ils pourraient alors la récupérer et ne seraient plus soumis à la taxe spéciale sur les salaires correspondante, cela ferait rentrer les courtiers dans la normalité administrative des autres commerçants, ce qui simplifierait les choses.